Coup de gueule

Je n'aime pas le monde dans lequel nous vivons, il est triste. Je vois l’humanité comme un immense potentiel gaspillé. Il est gaspillé à la fois en chacun de nous, là ou l’intelligence est souvent en conflit avec les pulsions, les émotions ou les instincts ; mais aussi au sein de l’humanité à travers des conflits, des divisions, des luttes de pouvoir et l’exacerbation des travers humains.

Si l’on essaye d’imaginer le potentiel global des 7 milliards de cerveau, avec une bonne formation pour chacun, une organisation unique vers un objectif commun, il est facile de voir que nous ne fonctionnons très en dessous de notre capacité. On ne peut même même pas dire qu’il faut passer la deuxième, on vient juste de tourner la clef de contact, le démarreur tourne mais il n’est pas encore arrivé à mettre le moteur en marche. Nous pouvons faire bien mieux, encore faut il comprendre ce que nous sommes, ce que nous pouvons devenir, ce que nous pouvons accomplir et se donner envie de le faire.

Nous sommes intelligents, c’est ce qui nous différencie des autres animaux. Mais ce n’est qu’un petit plus, nous avons gardé tous les attributs de notre animalité. L’intelligence n’est chez nous qu’une petite surcouche, elle fait pourtant une énorme différence, il suffit de voir l’emprise que nous avons sur la planète alors que nous utilisons si peu notre intelligence, nous pourrions faire bien mieux.

Chacun se sent plus ou moins intelligent, Mais que peut chacun de nous seul ? Sans le langage, sans les acquis des générations précédentes, sans l’enseignement de ses parents, de ses professeurs, sans le savoir accumulé, nous nous distinguons peu des animaux. La capacité à échanger et stocker toutes les acquis permet de capitaliser génération après génération. Notre intelligence individuelle nous permet de créer une savoir collectif qui est lentement enrichi. En entendons nous parler dans les médias ? Nous enseigne t-on à l’école ou à l’université le fonctionnement de notre intelligence individuelle et collective ? Rien du tout ! Au contraire tout est fait pour mettre en avant un individualisme ou une réussite individuelle nocive.

Et les progrès sont très lent, il a si peu de personnes formées dont la mission est d’enrichir notre savoir commun, le monde compte juste un chercheur pour 1000 habitants. L’effort global de progrès est à peine plus grand, l’ensemble des activités de recherche et de développement ne représente que 1,5 % du PIB mondial. En résumé 1,5 % de notre activité permet de faire progresser le savoir et la technologie qui l’utilise. Et pourtant nous pensons être une civilisation avancée, certains se flattent du fonctionnement de leur pays, de leur niveau d’innovation… C’est pathétique !

Si nous ne laissions croupir dans la misère et l’ignorance les milliards de personnes, qui vivent en deçà du seuil de pauvreté, le PIB mondial serait augmenté considérablement. Dans les pays développé, 15 % de la population est en dessous du seuil de pauvreté. Dans certains pays c’est presque 100 %. Pour avoir une idée du potentiel du PIB mondial il faut probablement au minimum doubler sa valeur actuelle, ce qui ramène le taux de recherche et développement au mieux à 0,75 % du PIB potentiel et il est probable que ce nombre est encore surévalué. Nous gaspillons tous les jours des potentialités énormes et nous ne consacrons qu’un effort ridicule à l’avancement de notre civilisation. Mais que faut il dire pour que chacun réalise le crime monstrueux que cela représente.

Ah ! Notre civilisation, elle est belle. Mais que serait elle si nous avions consacré ne serait que deux fois plus à la recherche et développement dans le siècle dernier. Peut être aurions nous déjà une espérance de vie de 100 ans. Peut être aurions nous automatisé toute la production, peut être irions nous faire du tourisme sur la lune, mars ou les lunes de Jupiter. On peut imaginer tant de choses avec des améliorations deux fois plus rapides. Mais juste deux fois plus rapide, ce n’est pas très ambitieux, notre potentiel va bien au-delà. Matériellement, rien ne nous empêcherait de consacrer dix fois plus au progrès de la civilisation, il suffit de regarder les taux de chômage, les dépenses militaires, les populations en mode survie, les organisations déficientes des états et des entreprises, les compétitions politiques, économiques ou militaires. Multiplier par 10 nos efforts pour le progrès est tout à fait réalisable, certains pays sont quasiment déjà à ce niveau, et ils sont loin d’avoir des problèmes bien au contraire.

Mais que faisons nous ? Nous nous intéressons à nos petit problèmes locaux, aux os que les médias lancent pour occuper les esprits. Nous nous polarisons sur des différences inventées, sur la compétition qu’elles engendrent et nous ne regardons pas notre intérêt commun. Nous avons des œillères, nous ne voyons pas la situation globale, nous pensons que notre intérêt personnel est lié à notre petit groupe local. Allons, soyons un peu sérieux, dans un monde de communication instantanée, dans un monde ou il est clair qu’il n’y a qu’une science générant un savoir commun utile à tous, nous sommes tous interdépendants.

Pour l’instant nous sommes englués dans les ruines de notre passé. Nos organisations sont dépassées en face des enjeux qui s’annoncent mais nous continuons à les suivre et les supporter. Il faut peut être commencer à ouvrir les yeux et gratter la couche de communication abrutissante pour voir la réalité des choses.

Notre société, nos gouvernement, nos partis politiques, nos entreprises parlent très rarement des efforts faits pour améliorer notre civilisation. Ils restent sur des présentations à court terme parlant globalement de la répartition des biens et services, du positionnement relatif des uns et des autres, ils flattent une majorité de personne qui n’ont pas encore pris conscience de ce qu’est leur véritable intérêt. Cette attitude avait du sens il y a quelques siècles lorsque le progrès était très lent. Chacun se positionnait alors dans une société stable ou les enfants reprendraient peut être le travail de leur parents en utilisant les mêmes outils.

Lorsque l’espérance de vie était de 45 ans et que le progrès avançait à la vitesse d’un escargot anémique pourquoi se préoccuper individuellement du progrès. Mais la situation à changé et continue d’évoluer à grande vitesse. Nous vivons aujourd’hui 80 ans et en quarante ans le monde évolue énormément, vous souvenez vous de 1978 ? Les efforts faits en recherche et développement ont de plus en plus d’importance pour notre vie future. Nous devrions tous être concernés et en demander de plus en plus en plus. Mais las, les programmes des uns et des autres sont peu explicites sur le sujet et surtout leur application est peu surveillée.

Les personnes aisées, qui profitent d’une forme d’exploitation sont parfois heureuses de leur sort. Elles ne voient pas qu’elles sont comme les châtelains d’autrefois, dans leur châteaux mal chauffés, sans personne pour soigner leur première carie, incapables de communiquer à distance, n’imaginant pas pouvoir voyager dans les airs. Leur situation leur semble si favorable qu’ils préfèrent perpétuer la situation, ils n’ont pas conscience de l’impact que l’évolution technologique peut avoir sur leur vie. Ils sont privilégiés en relatif mais extrêmement pauvres en absolu. Il militeront pour la plus part au sein de mouvements conservateurs et rétrogrades, pour garder leurs avantages au détriment du progrès commun.

La peur du changement, l’idée d’un paradis perdu sont d’autres freins ; pourtant un bref regard sur le passé permet de se convaincre rapidement qu’il n’y jamais eu de paradis autrefois, que ce sont des contes pour les enfants.
Et puis il y a la peur de la science, la peur de l’homme qui joue à l’apprenti sorcier. Ces peurs ont toujours existé et ce sont avérés fausses la plus part du temps. Comme ces gens qui pensaient que la vitesse des trains étoufferaient les voyageurs.

Et il y a, depuis peu, la peur de casser notre terre : la peur écologique. La peur des pollutions, des réchauffements, des emballements des radiations de toutes ces choses qui sont parfois difficilement mesurables. Mais sans la science certaines de ces peurs n’existeraient même pas et nous continuerions à vivre dangereusement sans même le savoir. C’est la science qui permet de faire le tri entre les vrais peurs et les peurs irraisonnées. Nous avons tous besoin d’un savoir humain plus large c’est la clef de la maîtrise de notre environnement.

Ce changement doit s’apparenter à un changement de vitesse. Il faut aller plus vite avec le minimum d’efforts. Les révolutions brutales créent des retours en arrière préjudiciables qu’il faut éviter si l’on cherche le progrès. Il y a toujours dans toute organisation des points faibles, des zones moins efficaces, des goulots d’étranglements qu’il est plus facile de faire évoluer, c’est ce qu’il faut identifier plutôt que de chercher à tout bouleverser. Toute amélioration, toute accélération ne peut qu’améliorer la prise de conscience globale.

Nous n’avons pas besoin de faire beaucoup d’efforts, les chiffres sont si bas que le moindre plus est rapidement significatif. Prenons l’exemple du CNRS, le plus grand organisme de recherche public en France. Il a un budget annuel de 3,2 milliard d’euros, principalement fourni par l’état. Le CNRS est habilité à recevoir des dons. Si chacun des 65 millions de français donnait 10 euros par an au CNRS, il recevrait 650 millions d’euros en plus soit une augmentation de 20 % de son budget. Mais nous pouvons encore mieux faire en tirant parti de la déductibilité de l’impôt de ces dons. Nous pouvons déduire les deux tiers des dons faits de nos impôts. Les Français payent 69 milliards d’impôt sur le revenu. Si chacun accepte de payer 1 % en plus de sa poche pour aider le CNRS alors il peut faire un don de 3 % de la valeur de ses impôts car les deux tiers seront déduit de ce qu’il paye à l’état. Ainsi en acceptant de débourser 1 % de plus pour améliorer notre futur nous fournissons au CNRS 2 milliards de plus soit 60 % de plus de budget ce qui est un changement majeur.

Pour ce résultat, nul besoin de changement. Pas besoin de manifester dans la rue, de signer des pétitions, de créer des associations, de passer du temps ou de discuter. Tous les mécanismes sont en place. Il suffit de prendre conscience de la situation et de signer un chèque une fois par an d’une somme très faible par rapport à nos revenus. Il suffit de 5 minutes pour reprendre en main une partie de notre futur.

Le message serait très fort, d’abord parce qu’il force une attribution de moyens que l’état ne fait pas aujourd’hui, ensuite parce qu’il signifie une volonté. Il peut constituer un exemple et inspirer d’autres pays. C’est un petit pas très simple, très peu coûteux qui peut donner de nombreuses idées et permettre ensuite d’aller plus loin. Le CNRS est une bonne cible pour les dons car il travaille dans de nombreux domaines, Il est d’une certaine façon neutre, mais il permet aussi de dédier les dons à un sujet ou une équipe que nous voulons aider. Il jouit d’une reconnaissance internationale et à noué de nombreuses collaborations internationales.

Au delà de cet exemple, bien des actions sont possibles, à différents niveaux. Elles peuvent cibler un financement direct de la recherche et développement par les états, les entreprises, ou cibler des changement d’organisation pour améliorer l’efficacité de l’humanité. Toutes demanderont plus d’efforts et de temps que l’exemple du don ci dessus. Il est d’autant plus important d’essayer de les démarrer le plus tôt possible.

Bon tout cela est bien beau, je peux m’échiner à m’expliquer à moi même ce que je crois, me persuader avec des chiffres et des exemples, cela ne peut pas aller bien loin. L’histoire semble montrer que si l’on veut obtenir un résultat de l’humanité, il ne faut pas s’adresser à son intelligence. C’est en fait normal vu la faible portion de son activité que cela recouvre. Il faut essayer de trouver une corde sensible, une émotion une peur qui va faire sortir chacun de son train train de pensées. Mais pour cela je ne suis pas la bonne personne.

Vous devriez tous avoir peur d’un futur dominé par nos instincts plus que par notre intelligence et bizarrement vous avez en général plus peur du contraire. L’humanité est mal faite.

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