Le bac à sable

 Beaucoup de circulation ce soir. Avec la nuit tombée, le trajet est désagréable. Julien pense soudain au petit chemin vicinal qu’il a repéré la semaine dernière, c’est la bonne occasion pour l’essayer de nuit. C’est un peu plus long mais il n’aura plus à subir les phares et leurs reflets sur la route mouillée. Et puis, le soir, de nuit, il a peu de chance de tomber sur un tracteur comme la dernière fois. Voici le carrefour, à peine visible, clignotant et il tourne à droite, maintenant il peut se décontracter. Rouler plein phares est reposant, il peut reprendre ses pensées, laisser son esprit tourner, analyser les dernières informations et se lamenter sur ce monde qui progresse lentement. Il pensait avoir vu beaucoup de choses mais là, arrivé à quarante cinq ans ans, il constate que le pire est peut être encore à venir. Ah zut une lumière au loin, il ralentit et roule en partie sur la bas coté. À petite allure, il arrive au bout du replat, la lumière est au fond de l’étroite vallée, elle ne bouge pas. Il aperçoit une personne debout dans cette lumière, un accident ? une panne ? Il est encore trop loin pour se rendre compte. Il s’approche et s’arrête à quelques mètres de l’homme immobile qui le regarde approcher. De toute façon il ne pourrait pas aller plus loin un mur brillant dans la lumière barre la route. Il reste là ébahi à regarder l’homme, le mur et la lumière qui ne semble venir de nulle part. Elle fait un cercle autour de l’homme comme un projecteur dans un spectacle mais il ne voit aucune source pour cette lumière. L’homme sourit, lui fait signe de venir, il hésite, il ne croit pas aux fantômes, aux esprits, aux loups garous et autres bêtises et cela ne ressemble pas à un guet-apens non plus, mais quand même, l’émotion est là, une peur s’insinue, est elle rationnelle ? Il est prêt à imaginer bien des choses, un pilote d’avion perdu, un extraterrestre, un hologramme, une blague, mais bizarrement, pour lui qui n’est pas croyant, ce qu’il voit, lui semble correspondre à la description d’un archange tout auréolé de lumière. Il a les cheveux blond, il ne lui manque que les ailes et encore comme il le voit de face il en est à se demander si elles ne sont pas repliées dans son dos. La curiosité le pousse, il coupe le contact, ouvre la porte et sort.

Dieu qu’il est grand, Julien mesure un mètre quatre vingt dix, mais ce type doit au moins faire deux mètres dix voire plus, et ce n’est pas une asperge, il a une large carrure. Il respire la supériorité même à travers son sourire.

- Bonjour Julien, comme tu peux voir je t’attendais.

Et il tend la main. Interloqué, Julien serre machinalement la main ou plutôt essaye de serrer cette immense main.

- Bonsoir, mais qui êtes vous ?
- Je m’appelle Gabriel
- Non !
- Mais non c’est de l’humour, je n’ai pas vraiment de nom
- Ah, mais qu’êtes vous alors ?
- À peu près tout ce que tu as imaginé, tu peux me voir comme l’hologramme blagueur d’un pilote extraterrestre ayant pris la forme d’un archange.
- Oui c’est bien tout ce que j’ai imaginé. Mais comment le savez vous ?
- Je lis en toi tout simplement
- Ah oui, tout simplement, j’aimerais bien aussi avoir ce don.
- Ce n’est pas un don c’est juste de la technologie.

Une sacré technologie pensait Julien, voilà qui simplifierait bien des choses

- Oui, cela aide mais ce n’est pas la solution à tout.
L’être venait de répondre à une pensée non formulée, la conversation allait être difficile.
- Bon d’accord je vais attendre que tu parles pour te répondre cela sera plus simple.
- J’ai des dizaines de questions qui se télescopent dans ma tête, je ne sais pas par ou commencer, je pense que le mieux serait que vous expliquiez pourquoi nous sommes là.
- C’est très simple, je fais ici un stage pour mettre en pratique ma formation.
- Votre formation ?
- Oui je me forme pour devenir guide de civilisation, c’est un job sympa, il faut analyser la situation de la civilisation dont nous sommes en charge et quand les conditions sont réunis nous donnons un petit coup de pouce discret.
- Ah et c’est ce que vous êtes venu faire ici ?
- Oui et non, l’espèce humaine n’est pas vraiment une civilisation.
- Comment ça pas une civilisation ?
- La vérité est que vous avez été créés pour que nous ayons l’occasion d’essayer nos savoirs sans que cela ait de graves conséquences.
- Créés ? comme les religions l’affirment ?
- Non pas vraiment, les dernières mutations de la branche des primates à laquelle vous appartenez ont été contrôlées pour que vous ne soyez pas trop intelligent, cela crée un équilibre entre vos émotions, vos croyances, votre imagination, vos instincts, etc. En résumé vous avez le niveau d’intelligence le plus bas possible compatible avec le développement d’une proto civilisation.
- Et cela ne vous gène pas de me sortir cela comme ça ?
- Non car je sais que tu as déjà pensé au niveau d’intelligence nécessaire pour faire une civilisation, et tes pensées sur ce sujet n’ont jamais été très optimistes. C’est d’ailleurs pour cela que je t’ai choisi. D’autres seraient choqués pas toi.
- OK admettons, si je comprends bien nous sommes un terrain d’études et d’essai, je trouve cela très désagréable. Et si le stagiaire fait des erreurs, quelqu’un corrige ?
- Non, bien au contraire une erreur peut être riche d’enseignements.
- C’est odieux
- Pas plus que les essais de médicaments que vous faites sur des animaux de laboratoires.
- Mais quand même nous sommes inté…

Julien se tait, manifestement il allait dire une bêtise. Il avait besoin de digérer ces informations un peu brutales. Apprendre que l’humanité n’est en fait qu’un bac à sable pour permettre à des étudiants de compléter leur formation était assez dérangeant. Est ce que le savoir changerait quelque chose pour lui, pas sur, ce serait toujours le même merdier. Il lui faut comprendre un peu plus.
- Pourquoi moi, qu’est ce que je viens faire au milieu de ce « stage » ? Mais vous avez dit choisi ?
- Oui je t’ai choisi pour décider d’améliorations à apporter à votre proto-civilisation.
- Moi ? Allons cela ne tient pas debout, il paraît que nous sommes des demeurés et vous dites que moi un des demeurés je dois décider quoi faire, c’est totalement ridicule. Si vous êtes ce que vous dites, vous en savez bien plus que moi sur ce qu’il faut faire.
- Si vous étiez rationnels, oui, j’aurais un avantage clair sur toi, mais à cause du poids de vos émotions, de vos croyances, de toutes les idées bizarres qui vous passent par la tête ce n’est pas si simple.
-
Ouais, cela ne rend pas les choses plus aisées pour moi.
- Peut être mais c’est l’approche que je souhaite essaye, j’espère faire mieux que mon prédécesseur.
- Ah oui, des étudiants sont déjà venus, et qu’ont ils faits ?
- Oh le dernier est passé il y a deux milles ans, il a tenté de rassembler tout le monde derrière des idées.
- Non ! Deux milles ans et depuis plus rien ?
- C’est ainsi, nous ne vivons pas sur les mêmes échelles de temps, c’est une autre de nos différences. Il se passera aussi quelques milliers d’années avant une prochaine venue.
- Ah ouais, alors si on fait quelque chose, c’est valable pour plusieurs milliers d’années, faut réfléchir.
- Oui il faut bien réfléchir, mais tu n’as que jusqu’à demain soir.
- Comment ça ? Vous vivez des milliers d’années, la portée des actions peut être immense et il faut qu’en 24 heures je vous concocte une idée, c’est un peu fort.
- J’ai quand même étudié l’esprit humain. En une journée vous avez fait le tour de tout ce que votre esprit peut appréhender, ensuite vous tournez en boucle, c’est le délai optimum.
- Ok, ok c’est peut être vrai, je préfère ne pas en discuter.
- Et nous avons quelques contraintes, je n’ai pas le droit de modifier le code génétique des humains, la modification doit porter sur le fonctionnement de votre civilisation.
- Ouais, vous avez quand même sous entendu que le génocide ne vous effrayait pas. Je me demande de quoi vous êtes vraiment capable, vous pouvez vraiment tuer des gens si nécessaire ?
- Bien sur, mais idéalement il faut trouver la solution avec l’impact positif le plus fort à partir de l’action la plus petite possible.
- J’ai l’impression que vous me menez en bateau, j’ai du mal à croire ce que vous me dites.
-
Ah ! Ton coté saint Thomas reprend le dessus.

Le téléphone de Julien sonne soudain, mais pour l’instant il l’ignore, il est partagé, soit il est en train de se faire enfumer, soit ….

- Tu devrais décrocher cela peut être important signale l’archange.

Machinalement Julien prend son téléphone et décroche.

- Allo ?
- Ah Julien, tu décroches enfin, je suis avec ton frère il s’est réveillé.
- Maman ! Tu es encore à l’hôpital ?
- Oui et je ne le regrette pas, c’est un vrai miracle, les médecins n’y croyaient pas, pour eux, après six mois dans le coma il n’avait plus aucune chance.
- C’est arrivé quand ?
- Dans les cinq dernières minutes, il a ouvert les yeux, m’a regardé, a demandé à boire.

Julien lève les yeux et regarde le visiteur, d’un regard inquisiteur. D’un léger hochement de tète et en fermant les yeux il lui confirme qu’il en est à l’origine.

- C’est formidable Maman
- Oui, mais surtout il m’a demandé de t’appeler tout de suite, il veut que tu viennes, il veut te parler.
- Je passerai demain matin avant mon travail.
- Non il veut te voir ce soir.
- OK, OK, d’accord maman, j’arrive, à tout de suite, bisous.

Julien raccroche.

- Je crois que je vais devoir y aller

Il est encore interrompu par une sonnerie de son téléphone, mais cette fois c’est une notification de message.

- OK, je regarde, je parie que cela peut être important.

C’est son employeur, il lui confirme qu’il peut prendre sa journée de congé demain et souhaite un prompt rétablissement à son frère.

- Mais je n’ai rien demandé !
- Mais si, regarde tu lui as envoyé un message il y a deux minutes.
- Je vois, mais ce n’est pas moi qui l’ai écrit, c’est encore un de vos tour.
- Oh tu sais ce n’est que de la technologie ce n’est pas difficile, c’est pareil pour ton frère, c’est de la médecine avancée.
- D’accord, d’accord, votre démonstration est concluante, on se retrouve ici demain ?
- Ce n’est pas nécessaire, il te suffit demain soir à vingt heure de penser à ce qui te semble souhaitable de faire, je le lirai dans ton esprit, tu peux le dire à voix haute ou l’écrire si tu veux être plus sûr.
- On se quitte comme ça ?
- Oui tu en sais suffisamment !
- Si vous le dites
- Je te souhaite bonne chance.

Il lui tend sa grande main, Julien la serre

- Au revoir et j’espère que vous ne serez pas déçu, bonne chance aussi.

Julien remonte dans sa voiture et fait demi tour songeur, il repart vers la ville pour rejoindre l’hôpital et voir son frère. Il voit la lumière dans son rétroviseur, elle s’éloigne doucement et tout d’un coup elle s’éteint, il se sent tout à coup très seul.

Le soleil perce à travers les persiennes, Julien se retourne, il est franchement vaseux, ses rêves le retiennent. Le soleil insiste et par une réflexion sur le miroir de la coiffeuse s’attaque directement à son œil droit. D’un geste brusque, il remonte la main et fait tomber le radio réveil dont le fil entraîne la lampe de chevet. La chute de l’ensemble est plus efficace que toute les sonneries. Un juron finit de le réveiller. Il regarde le jour d’un air ébahi. Déjà si tard ! Il va être en retard. Pourquoi personne ne l’a réveillé et quel heure est il ? 10H12 affiche le radio réveil au sol. Pas possible il a du se décaler. Julien se lève, va vers la salle de bain, sa montre affiche aussi plus de 10h. Il se regarde dans le miroir, fatigué les traits tirés, un peu comme son frère. Son frère ah oui, il s’est réveillé il est resté avec lui jusqu’à quatre heure du matin, évidemment après six mois de repos, il n’avait pas sommeil, mais son élocution restait lente même si en quelques heures cela s’est bien amélioré. Ils avaient parlé de leur souvenirs, mais aussi du futur, il n’avait jamais vu son frère si optimiste. C’est un peu comme s’il avait fait des plans pendant son sommeil, puis il lui avait parlé d’un ange présent dans son rêve. L’ange, l’archange, la lumière, la route, le stage, les civilisations et le bac à sable, tout revenait en vrac dans son esprit. Il avait l’impression d’entendre chaque morceau de ses souvenirs s’emboîter avec un claquement sec. Voilà tout est là, il est parfaitement réveillé, il est un peu plus de 10h et à 20h il doit avoir décidé et il avait à peine dormi cinq heures, pas les conditions idéales pour réfléchir.

L’archange avait dit vingt quatre heures, mais il en restait moins de dix. Il avait probablement manigancé tout cela pour le mettre en situation de stress. Bon vite sous la douche, c’est un bon endroit pour réfléchir. Il entend le choc des gouttes sur son front, le son se propage par les os de son crane, Son cerveau, lui, reste bloqué sur quatre mots : « plus vite, plus loin » qui tournent en boucle. De temps en temps, il voit passer les deux milles ans, l’ADN volontairement imparfait de l’homo sapiens et un bac à sable, avant de revenir sur le lancinant : « plus vite, plus loin », un peu comme si son cerveau débordait et n’arrivait pas à s’accrocher à une idée digne de ce nom. Comment faire pour aller plus vite et plus loin, comment appuyer sur l’accélérateur ? Ce n’est qu’en s’essuyant que son inconscient accepta de lui donner une idée : « avant d’accélérer il faut relâcher les freins. » Ah ça des freins il y en a c’est sur, c’est forcément une bonne piste. Mais comment faire pour les relâcher, jouer sur la peur ? Faut il amener les humains au bord de la guerre, les menacer d’une épidémie, frôler un astéroïde ? S’ils voient le fond du précipice et touchent du doigt l’idée de l’anéantissement, réagiront ils ? Son inconscient semble opiner en proposant : « pourquoi pas, nous sommes assez cons pour que cela marche », mais il hésite, en fait nous sommes peut être beaucoup trop cons pour que cela marche, les catastrophes du passé, n’ont rien empêché.

En se brossant les dents, il se demande ce qui arriverait s’il mourrait là tout d’un coup, l’ange choisirait il quelqu’un d’autre, lui donnerait il aussi vingt quatre heure ? Mais à la pensée du réveil de sont frère, il se dit que le plus probable est qu’il ne peut rien lui arriver jusqu’à ce soir. Drôle de pensée quand même, être sûr d’être protégé par un ange gardien, doit il tenter de sauter par la fenêtre pour tester ? Non ce serait puéril et sachant qu’il ne peut pas décrypter le comportement de son protecteur, il vaut mieux ne pas perdre son temps dans des pensées parasites.

Petit déjeuner, ou plutôt brunch vu l’heure, deux œufs pour faire une omelette, un bol pour les casser et les mélanger. Au moment de casser le premier, il s’arrête et regarde l’œuf. Un œuf c’est simple mais tout le potentiel d’une vie complexe est à l’intérieur il suffit de lui donner les bonnes conditions, de le couver. Pouvons nous couver l’humanité ? Non, nous sommes déjà nés, il n’y a plus rien à faire de ce coté, et comme il l’a précisé nous sommes volontairement limité par notre ADN tout comme l’œuf qui au final ne peut pas donner autre chose qu’un poussin. Cela ne semble pas une bonne piste.

L’omelette est prête, un verre d’eau, et une tasse de café pour se réveiller. Au moment de boire le café il hésite, il sait que grâce au café il va vouloir agir plus vite et aura même l’impression de penser plus vite, mais il sait aussi qu’il aura un peu moins de profondeur dans ses réflexions. De quoi a-t-il besoin profondeur ou vitesse ? Il est presque onze heures sur la pendule de la cuisine, le temps passe vite. Il repose la tasse, il a besoin d’être lui même, il ne peut pas faire confiance à une stimulation artificielle, l’enjeu est trop important. Il faut revenir au sujet, quels sont les freins, qu’est ce qui empêche d’aller plus vite et plus loin. Il mange machinalement, peut il se faire aider ? Il ne se sent pas de convaincre quelqu’un et surtout de prendre du temps pour le convaincre, il n’a pas le choix. Il ne peut se baser que sur ce qu’il sait. Qui a parlé de solutions pour l’humanité ? Finalement pas grand monde, si une solution pour progresser plus vite existait elle serait probablement appliquée. Quoique, à voir tous les égocentriques qui atteignent des postes de pouvoir ce n’est pas si sûr. Et si on supprimait tous ces égocentriques ? Il y a aurait probablement un impact, il a bien dit qu’un génocide était possible. Cela représente combien de personnes, il faut inclure les deux pour cents de psychopathes et probablement dix pour cents de personnes avec des profils apparentés. Cela ferait douze pour cents des 7 milliards, un rapide calcul dans sa tête et il obtient 840 millions de personnes. Ouahouh ! Prendre la responsabilité de la disparition de presque un milliard de personnes, même si cela permet aux autres de mieux vivre, ce n’est pas évident. On doit pouvoir faire mieux. Il se souvient d’une nouvelle qu’il a lu il y a longtemps ; Dino Buzzati dans la « Leçon de 1980 » imagine de faire disparaître progressivement, par une intervention extérieure les personnages les plus influents des pays et des entreprises. Quel serait l’impact réel ? Ce n’est pas évident, l’effet court terme pourrait être positif, mais au bout de quelques années ou décennies de nouvelles générations d’égocentriques prendraient leur place, cela semble être figé dans notre ADN, l’impact au bout de 2000 ans serait probablement quasi-nul. Et puis tuer des gens, c’est quand même pas cool, on pourrait peut être les endormir pendant un certain temps, un peu comme le coma de son frère. Il fantasme à l’idée de voir ces leaders s’effondrer, au moment il disent « je », leur cerveau restant coincé sur leur ego. L’idée de ces personnages grandiloquents avec le cerveau coincé et un sourire béat sur le visage le satisfait vraiment, mais ce n’est qu’un délire. « Plus vite, plus loin », une humanité plus rapide, plus forte, plus…. Ah oui l’humanité, c’est là la clef, presque personne ne parle au nom de l’humanité, ce n’est pour l’instant qu’un patchwork, dépensant beaucoup d’énergie dans des conflits militaires ou commerciaux, chaque dirigeant flattant le patriotisme de son pays et de fait divisant l’humanité il faut trouver un truc pour mettre fin a ce gaspillage. Cela fait des siècles, voire des millénaires, que l’idée de citoyen du monde existe et pour l’instant elle ne va nulle part. Comment unir ? Son cerveau revient automatiquement sur les responsables de ces divisions tous ces adeptes de la compétition à outrance, non vraiment, à part la solution de l’élimination de tous ces égos hypertrophiés il ne voit pas comment progresser. Pourtant c’est déjà mieux aujourd’hui qu’hier, l’humanité a déjà progressé elle doit encore pouvoir le faire, mais comment a-t-elle fait ? Quels sont les éléments clef de cette progression.

Il bloque, il faut qu’il bouge, qu’il marche, qu’il active tout son corps, on réfléchit mieux en marchant qu’assis devant une assiette sale. Tout dans le lave vaisselle et hop en avant pour une ballade réflective. Une fois dehors il entreprend de faire le tour du village, le matin en semaine tout est très calme, enfin, normalement c’est très calme ; des bruits de marteaux et des voix viennent de la place , curieux il se dirige vers la mairie. Le camion des services techniques est là, il s’approche, le contourne et découvre les employés de la mairie finissant d’installer les panneaux électoraux. Eh oui, dans deux semaines ce sont les élections législatives. Des colleurs d’affiches sont déjà à l’œuvre, il s’approche, songeur, des premières affiches encore humides. Oui bien sûr, la démocratie, les élections tout cela avait fait progressé l’humanité, enfin en théorie. Les candidats présentés restent peu convaincants ; leur égocentrisme transpire dans leurs attitudes, leurs regards, voire carrément dans les slogans. Et puis tous ces sourires dignes de publicités pour dentifrice, franchement, c’est prendre les gens pour des idiots. Cela donne plus envie de voter contre que pour. Ah oui voter contre, voilà une bonne idée, c’est certain que cela ferait venir plus d’électeurs, l’occasion de se défouler une fois de temps en temps, cela changerait des grands boulevards ou des rond points. Et au moins le décompte de la protestation serait plus juste. Qui élire dans ce cas ? Celui qui a le moins de voix contre ou alors, encore mieux, on pourrait combiner un vote pour et un vote contre et faire la différence des pour et des contre, cela ferait deux raisons pour aller voter, la participation augmenterait encore et les personnages clivants seraient éliminés. Mais comment arriver à mettre tout cela en place. Serait ce vraiment suffisant ? Les élections n’ont jamais empêcher les égocentriques de se faire élire, pas sûr que cela change suffisamment la donne, il faudrait les empêcher de se présenter. Mais on ne choisit pas les candidats, il n’y a pas de vrai filtre, c’est ça il faut un filtre à cons, bizarre que personne n’y ait pensé. Il était en train de délirer intérieurement, d’imaginer le processus mais aussi les cris des défenseurs du sacro-saint vote, de la liberté, de la voix du peuple, enfin de tous ces gens qui pour une raison ou une autre ne veulent pas que quoique ce soit change. Il doit en quelques heures imaginer des changements alors que la majorité déteste sortir de sa zone de confort, c’est démoralisant. Pourtant filtrer les profils c’est très courant, dès qu’une grande entreprise veut embaucher elle fait passer des tests. Pourquoi ne pas l’appliquer aux candidats des élections. Il faudrait placer tout cela dans un cadre plus large, changer les valeurs, les responsabilités, imposer plus de devoirs aux responsables plus de contrôles et de sanctions ce ne sont pas des mesurettes au niveaux des élections qui vont changer la donne pour les 2000 prochaines années. Il faut un nouveau cadre cohérent. Est ce que cela existe ? Il ne sait pas si des penseurs autre que Marx et consorts ont fait des propositions cohérentes. Il faudrait un nouveau Rousseau, un nouveau contrat social. Oui, c’est ça qu’il faut, il est certains que l’ange peut le provoquer, inciter un écrivain ou un philosophe célèbre à sortir un texte cohérent sur l’organisation de l’humanité, cela lui semble plus atteignable et surtout plus positif que toutes ses idées précédentes et cela peut changer l’humanité pour des siècles tout comme « Du contrat social de Rousseau » l’a fait. Mais qui a assez de notoriété de reconnaissance pour que cela marche, ça il n’en a aucune idée. Il n’est pas assez littéraire pour identifier la bonne personne. Mais l’ange ne devrait avoir aucun problème à trouver, il l’a bien trouvé lui en scannant tous les humains. Il se sent soulagé, il tient une bonne idée, il a juste besoin de la mettre en forme et pour cela il lui faut du calme. La voiture est garée un peu plus loin, il la prend et se dirige vers la forêt toute proche. Trois cent mètres dans une route forestière pour s‘éloigner de la route, il se gare et sort pour marcher. Les idées s’entrechoquent, les problèmes de l’humanité, défilent, les frontières, les langues, les religions, les cultures, la compétition, tout ce qui peut exacerber les différences et ralentir les avancées communes. Il ne voit même pas comment mettre de l’ordre dans tout cela, quels pourraient être les chapitres de ce nouveau contrat social, par quoi faut il commencer et comment au final organiser l’humanité pour qu’elle soit plus efficace et plus intelligente. Il marche sans voir les fleurs, les arbres, les reflets du soleil, c’est comme s’il était ailleurs. Soudain son téléphone sonne, son esprit hésite alors entre : ce n’est pas le moment et « cela peut être important », il voit encore l’archange le lui dire. Bon il n’est pas sûr qu’aujourd’hui le hasard ait sa place, il vaut mieux répondre. Il décroche

- Allô
- Ah papa ! Maman m’a dit que tu avais pris ta journée tu peux venir me chercher ?
- Pourquoi, où es tu ?
- On devait faire un match au stade de Sainte Rose des bois, mais le bus de nos adversaire est tombé en panne, il ne viendront pas.
-
Mais vous ne rentrez pas en bus ?
- Il ne revient que dans deux heures, c’est pas loin tu peux être là en 10 minutes.
- OK, OK j’arrive. A tout de suite
- Super, à toute.

Bon cela ne sert à rien de discuter avec un ado de quinze ans, autant le ramener tout de suite et reprendre les réflexions après. Finalement une petite pause d’une demi heure dans les réflexions sera peut-être profitable. Voilà, retour à la voiture, recherche du stade de Sainte Rose des bois sur le GPS et hop c’est parti plus qu’a suivre la douce voix du GPS. Voici le stade, Jérôme attend devant avec des copains, il s’arrête juste à coté.

- Salut p’pa
- Salut fils
- On peut passer par le lycée pour que je récupère mes affaires
- Si tu veux, on passe par le centre ville ?
- J’en sais rien, on demande à ton truc là

Jérôme se saisit du GPS, en deux trois geste sur l’écran il le programme, quelques secondes d’attente et le GPS parle : « prendre la première à droite en direction de L’Hôpital »

- Mais c’est pas la direction du centre ville !
- Hé non ! Regarde sur la carte il dit que le centre ville est bouché
- C’est beaucoup plus long par le centre hospitalier
- Oui mais c’est pas bouché.

Julien se retient de répondre, inutile de discuter avec un ado, surtout s’il s’appuie sur les nouvelles technologies. Finalement c’est Jérôme qui en rajoute, probablement trop content d’avoir raison.

- Tu vois, lui, il sait mieux que toi ce qu’il faut faire.
- Oui, enfin pas toujours, tu te souviens de la fois ou il voulait nous faire passer par un chemin de terre.
- Oh là tu vas chercher loin dans le passé, cela n’arrive plus tout ça
- Ah oui ! comment tu peux en être aussi sûr ?
- Bah ils ont ajouté de l’intelligence artificielle, elle tient même compte de tes habitudes, ce ne sont plus ces algos imparfaits écrits par des programmeurs.
- Si tu le dis.

Julien était pensif, c’est vrai qu’en quelques années ces produits s’étaient considérablement améliorés, certains tâches étaient devenues plus faciles, mais nous étions encore loin des voitures autonomes, ce n’est pas le même niveau de difficulté. Jérôme devait penser la même chose.

- Je me demande si j’ai besoin de passer le permis de conduire, à la vitesse ou vont les choses les voitures autonomes seront là dans quelques années.
- Tu es toujours trop optimiste pour ces trucs là, on en reparle l’année prochaine.
- Bon

Il font le reste du trajet en silence, chacun restant dans ses pensées, seul le GPS parle.
Une fois Jérôme posé à la maison, Julien reprend la route de la campagne, il veut compléter ses réflexions sur le nouveau contrat social qu’il a en tête. Le GPS ne parle plus, mais Julien a l’impression qu’il hante l’habitacle, il le sent à l’affût espionnant sa conduite, analysant ses habitudes. Soudainement comme pour lui montrer qu’il reste le maître, il tourne à gauche pour se rapprocher du canal et se gare sur la voie sur berge.

Qui serait le plus à même d’écrire un nouveau contrat social, un philosophe ? Un politique ? un économiste ? ce n’est pas si évident. Il faut qu’il puisse intégrer l’état présent et qu’il fournisse une direction pour les siècles à venir. Fournir une direction, comme un GPS ? Alors que les GPS eux ne fournissent plus de directions basées sur des algorithmes conçus par des humains, ce sont des IA qui le font. Mais aujourd’hui aucune IA ne peut donner de guide pour l’humanité. C’est bien dommage. Il marche le long du canal l’esprit tournant en boule autour de ces idées. Il s’assoit machinalement sur un banc. Il revient doucement sur terre, personne aujourd’hui ne peut faire un plan cohérent qui place l’humanité sur la bonne voie pour le prochain millénaire, il y a bien trop d’inconnues. Quand aux IA elles sont encore loin de pouvoir le faire aussi. Il a beaucoup rêvé il faut trouver autre chose. Et puis l’archange lui a dit, l’être humain est tout juste assez intelligent et il ne veut pas l’améliorer, mais il n’a rien dit sur l’IA. Au final que l’intelligence soit biologique ou électronique n’a pas d’importance, ce qui compte c’est qu’elle soit performante. Ce n’est pas à lui de déterminer comment l’humanité doit s’organiser, c’est l’IA qui le fera, mais il faut qu’elle devienne plus intelligente plus rapidement. Il faut juste un Eurêka dans la tête d’un ou de plusieurs chercheurs en IA, une ou plusieurs trouvailles pour multiplier par 10, 100 ou 1000 les performances de ces machines. Faire comme les camions qui transportent des milliers de fois plus de poids que nous, comme ces avions qui vont des centaines de fois plus vites que nous. Il nous faut des IA des centaines de fois plus intelligentes que nous. Les camions et les avions sont comme des prothèses pour notre corps l’IA fera de même pour notre intelligence. Il ne voyait rien de plus à dire : accélérer le développement de l’IA . C’est la seule chose à dire, la seule chose à penser ce soir à vingt heure. Son corps se détend, il reprend sa marche le long du canal, plus calme laissant son esprit divaguer. Son expérience lui a montré que c’est la meilleure solution pour confirmer ou infirmer une hypothèse. Au bout d’une heure, il n’a rien trouvé de mieux. Il reprend la voiture pour la maison. Jérôme est là, il lui dit qu’il va aller voir son frère et rentrera un peu après vingt heures. Il prend aussi quelques feuilles et un stylo.

Deux heures avec son frère dont l’état s’améliore d’heure en heure, les médecins sont surpris, ils ont lancé toute une batterie d’analyses, lui ont fait passer un IRM du cerveau, mais ils ne comprennent toujours pas, le cas les intéresse, ils aimeraient bien comprendre le mécanisme de ce retour rapide à la conscience. Bon ce n’est pas le souci de Jérôme, il est juste là pour parler et l’aider de sa présence. Il le laisse en bonne forme. Mais bon, il faut encore qu’il récupère de la masse musculaire, son immobilisation de 6 mois l’a beaucoup affaibli, mais cela il pourra le faire chez lui. Il est réveillé, il a retrouvé toute sa tête, le principal est là.

Dix neuf heure cinquante il tourne à droite dans le chemin vicinal ou tout à commencé hier, il fait nuit, il descend au fond de la petite vallée, une lumière s’étale sur la route. Il s’approche et se gare. La lumière affiche l’heure sur la route. Chaque chiffre est aussi haut que la route est large. Il est actuellement 19:55:47, l’air est calme, pas un brin de vent. Une flèche et un petit rectangle apparaisse à coté des secondes, au même moment la feuille qu’il tient à la main s’éclaire. Le message est clair, il va poser la feuille sur le petit rectangle. L’archange a bien compris qu’il craignait à 20H00 de penser soudainement à autre chose que ce à quoi il avait réfléchi. La mise en scène le rassure plus rien me va changer. Les secondes s’égrènent, les minutes passent lentement, 19:59:59 puis 20:00:00, un vent soudain aspire la feuille vers le haut, l’affichage s’éteint. C’est fait, la tension retombe, il est soudain très fatigué.

Cela fait maintenant vingt cinq jours, Julien parcourt les informations et rien, toujours rien, aucun signe d’une quelconque évolution. L’intelligence artificielle continue de progresser, mais pas d’accélération, pas de percée aucune trouvaille, les avancées continuent mais restent trop lentes à son goût. Beaucoup de commentateurs s‘extasient des progrès des assistants personnels, des drones autonomes, des premières livraisons automatiques ou des percées dans le diagnostique médical. Mais il se désespère, rien de tout cela ne va changer le monde. Quand au reste c’est le même merdier et cela continue à se dégrader, aucun pays n’est épargné, le grand titre du jour est l’assassinat par le premier ministre norvégien de son ministre de l’intérieur. Une crise de folie paraît-il, c’est le chef de la police avec le ministre de la santé qui ont décidé de son internement, le tout en dehors de toute procédure légale. Si même dans les pays scandinaves la gouvernance dérape on se demande ou va aller le monde. Plus personne ne fait confiance aux gouvernements, en Slovaquie la participation aux dernière élections est tombée en dessous des 10 % et aux États-Unis la moitié des sénateurs sont maintenant des milliardaires. Existe-t-il encore de vrais démocraties, il n’en est même pas certain. C’est l’heure d’aller au travail mais le cœur n’y est pas, il s’est probablement trompé dans ses choix, il à l’impression de porter tout le malheur du monde sur ses épaules.

La tète dans les épaules, les yeux rivés sur l’écran, il parcourt à nouveau les nouvelles, rien, rien de rien, il regarde en Anglais et va même chercher les nouvelles francophones de l’Afrique, Julien se désespère il a l’impression d’avoir fait un mauvais rêve, pour l’instant le seul point positif c’est l’état de santé de son frère qui veut même monter une entreprise, il a du mal à le suivre, ce n’est plus le même homme.

Vlan, la porte d’entrée est refermée d’un grand coup, cela ne peut être que Jérôme. Il débarque soudain dans le salon.

- Hé Papa, t’es pas au travail ?
- Mais si je suis en télétravail !
- Ah oui, c’est vrai vous expérimentez cela. Oui mais dis moi, les news c’est pour ton travail ?
- Disons que je fais une pause
- Ouah tu regardes des news sur l’IA
- Je veux juste savoir quelles sont les avancées, comment cela va changer notre vie, enfin prévoir autant que possible.
- Et tu cherches ça dans les revues de vulgarisation ? Mais elles ont des mois de retard.
- Ah oui et où veux tu que je regarde ?
- Simple tu vas sur arxiv.org.
- Hein c’est quoi ça arrrive.org ?
- Mais non par arrive, arxiv, attend je te montre.

Jérôme se glisse devant le pc et en quelques secondes accède au site.

- Tu vois c’est un site de prépublication, les nouvelles publications pas encore validées sont publiées là. Tu as même un moteur de recherche, tu étais sur les IA, je mets quelques mots clefs en Anglais et voilà !

Jérôme devant l’écran l’empêchait de voir les résultats, il ne disait plus rien

- Ah bon et tu vois des trucs intéressants.
- Intéressants, incroyables tu veux dire, tous les articles récents parlent d’une accélération de l’apprentissage d’un facteur d’au moins mille et d’une diminution de la puissance de calcul d’un facteur cent. Les titres sont clairs, ils parlent de confirmation.
- Confirmation de quoi ?
- Attends je cherche la source

Quelques clics rapides, un défilement l’ouverture d’un article.

- Voilà j’ai trouvé, ce sont des stagiaires qui ont fait des erreurs d’implémentation d’une nouvelle architecture. Ils ont obtenu des résultats au-delà des espoirs, l’article cité date d’il y a trois semaines. Tout est parti de là et tout le monde dans le milieu ne parle plus que de ça.
- Ah ouais !

Julien se détendait au fond de son fauteuil. Il n’avait pas bien cherché, il ne l’avait pas vu, mais l’archange avait tenu sa promesse, il aurait pu se décontracter trois semaines plus tôt. Mais bon, voilà, Il n’avait plus qu’a attendre et laisser le temps faire son œuvre. Jérôme complètement obnubilé continuait à lire.

- Ils pensent que les voitures autonomes vont arriver très vite, je n’aurai pas à passer le permis. Super !

Julien n’avait pas envie de répondre tant de choses pouvaient changer maintenant, il voulait juste se laisser vivre et observer de loin tout cela. Jérôme continuait.

- A voir les publications des dernières journées, il est probable que la presse grand publique commencera à en parler dans une semaine ou deux. Mais si tu veux vraiment voir l’évolution en temps réel, il vaut mieux que tu regardes là dessus. Bon je te laisse, c’est super tout ça, à plus p’pa.

Julien le regarde sortir, il n’avait pas l’air étonné juste content, comme si tout cela était normal et cela l’était peut être, si intervention il y avait eu elle était très discrète. Il n’avait pas besoin d’en lire plus. Il pouvait revenir dans le monde normal et regarder les nouvelles habituelles.

Il aurait du regarder plus tôt. En Suisse, un référendum d’initiative populaire proposait d’imposer un test psychologique à tous les candidats à des élections. Cela fait suite au problème de la Norvège. Seule la Suisse peut vraiment mettre en place ce genre de chose, c’est le seul pays ou le peuple peut proposer des lois. Mais ce n’était pas tout, la Slovaquie face à sa crise de représentativité débattait du vote contre pour faire revenir les électeurs dans l’isoloir. C’était deux idées qu’il avait envisagées, cela ne pouvait pas être une coïncidence. Mais dans le reste du journal il n’y avait rien, il ne savait plus quoi penser. Il oscillait entre le hasard, la volonté de l’archange de faire feu de tout bois, ou un rêve dont il allait bientôt de réveiller. Bip ! Une notification sur son téléphone, un message d’une connaissance de l’époque du lycée, un type très loquace, avec beaucoup d’amis, avec lequel il échangeait quelques messages de temps en temps. Le message était court et intrigant : « Super le nouveau texte sur ton blog, quel punch, quelle clarté, vraiment dans l’air du temps, j’ai filé le lien à tous mes amis » . Pourtant, cela faisait des mois qu’il n’avait rien écrit. Une vérification rapide et oui, il y avait bien un nouveau texte assez long, une proposition d’organisation pour l’humanité exactement le texte qu’il aurait voulu voir publier, pas un philosophe. Toutes les idées qu’il avait eues étaient là clairement énoncées, montant en un crescendo qui proposait un new deal, une nouvelle organisation, une nouvelle prospérité. La fin était un peu homérique, digne d’un programme électoral. Ce texte était là dans son blog et les commentaires commençaient à fuser. Il avait imaginé rester loin de tout ça, mais soudain il se voyait au milieu du cyclone. Inutile de ce poser de question il savait bien ce que l’archange aurait répondu : «  Ce n’est que de la technologie ».

Vlan ! La porte d’entrée encore !

- Hé p’pa, il y a une carte postale pour toi dans la boite au lettre, marrant une sorte de tourbillon.
Il la regarde pendant que Jérôme la parcourt.
- C’est pas un tourbillon, c’est une galaxie
- Il faut être timbré pour envoyer une carte postale avec une galaxie, c’est signé Gabriel.
- Oui un collègue de travail, il est en congé.
Il n’avait pas de meilleure explication
- Donne s’il te plaît.

Elle venait de Niué, théoriquement postée il y a deux semaines, enfin avec la technologie...
Le texte était très court :

« Mon séjour touche à sa fin.
Merci pour toutes tes idées.
Bon surf sur cette vague.
Aléa jacta est »

Gabriel

Le message était clair, il fallait maintenant qu’il garde son équilibre, mais vu la taille de la vague qui s’annonçait cela n’allait pas être facile.

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